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  • Photo du rédacteurPierre Marescaux

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« Alors toi, t’as vraiment une tête de cul. »


Ses joues dessinaient deux vastes ballons et avalaient tout le visage : paupières, yeux, sourcils, front. Son crâne oblong disparaissait derrière ces deux vessies roses et gonflées et son menton fuyait dessous leur importance. Son nez trop fin, trop étiré, traçait une raie au milieu. Je parlais donc au sens propre du terme : il avait une tête de cul. Un vrai petit cul de petit cochon, la queue en moins. L’odeur putride émanant du rift qui séparait ses deux fesses quand il parlait confirmait l’impression visuelle :

« T’as vraiment une tête de cul, et c’est pire qu’à la télé. C’est peut-être pour ça que t’as pu survivre en politique : à la télé, on distingue assez mal ton haleine dégueulasse. J’imagine que ton foie doit pas être loin de ton trou de balle pour que ça sente aussi mauvais quand tu causes. C’est certain, si les Français savaient comme tu puais du bec, t’aurais jamais été élu. Impossible.

- Vous croyez vraiment que je suis le pire tas de merde du Parlement ? Que je suis le plus puant de tous ?

- Oh ! non, je n’en sais rien, répondis-je, mais vous êtes le seul que j’aie en face de moi. Les autres, je n’ai pas la chance de les avoir rencontrés en vrai.

- On se vouvoie, pour finir ? s’enquit-il. Bon, quel est le programme ? Vous allez me désosser ? Me sacrifier en victime expiatoire ? Nostalgique d’octobre rouge, c’est ça ? On a fait sa petite brigade, on a embarqué un personnage important et on va chercher à montrer qu’on a des idées meilleures que les autres ?

- Il y aura de ça, c’est probable. Mais moi et mes copines, on a pas encore bien réfléchi à comment on allait procéder. Des idées, on en a. Un tas, même. Une quantité astronomique, et des biens en plus. Même des neuves, Tête-de-cul, même des neuves. Tellement d’idées neuves que pendant longtemps, on osait rien faire tellement on arrivait pas au bout. Et puis on s’est dit : « allez, c’est pas parce qu’on a pas tout construit un joli système avec nos idées neuves qu’on peut pas commencer à rigoler avec. » Donc, te voilà parmi nous, pour que tu écoutes un peu attentivement ce qu’on a à te dire. Et puis on voudrait savoir quelque chose : on va chercher à comprendre si tu crois à toutes les conneries que tu racontes quand tu es dehors. Ca va peut-être prendre un petit temps, donc va falloir trouver un truc pour qu’on supporte ton haleine.

- Il va surtout falloir que vous trouviez une solution pour pas vous faire choper, mes cocottes.»

Le Président du Sénat avait loupé une bonne occasion de fermer sa gueule. Miranda lui retourna une mandale assez phénoménale. Je ne cautionnais pas encore totalement la violence physique. Sûrement par manque de courage, je m’étais dit qu’on ne tarte pas un humain pour un mot de travers, et puis c'était notre premier jour avec Tête-de-cul, ça faisait tôt pour un dérapage. Mais je mentirais si je vous disais que je n’avais pas pris du plaisir à contempler ce geste de pur réflexe.

« Mon père vous adorait, et il me tapait dessus, s’était-elle expliquée ensuite, avec son délicieux accent espagnol. C’est con, j’aurais bien aimé être aussi déterminée que maintenant, à l’époque. J’aurais pu lui claquer le beignet exactement comme là.

- Vous l’aurez compris, enchaînai-je, Miranda est un peu à cran sur votre façon de nous causer, et je crois que le confinement pèse sur son humeur. La position de force s’est singulièrement inversée entre vous et nous, Tête-de-cul, donc il faudrait que vous en preniez acte si vous voulez pas vous transformer en punching-ball. Et puis aussi, sachez qu’elle a décidé de retourner contre ceux qu’elle considère comme ses agresseurs toutes les violences qui lui ont été faites. Elle possède une jolie collection de gode-ceintures artisanaux. C’est du fait-main, avec des matériaux très inventifs. Elle leur donne de jolis petits noms de personnages célèbres. J’affectionne particulièrement le gode «Tesson », mais elle le réserve, m’a-t-elle dit, pour un éventuel entretien avec l’écrivain. Je trouve bien entendu très exagérée son aversion pour ce bonhomme, mais la condescendance et la connerie, c’est comme quand on l’appelle pupuce ou ma cocotte, elle a du mal à supporter. Plus ça va, plus je la comprends.»


Le soleil perçait à travers les lattes disjointes de la grange. C’était beau comme un western. Sur sa chaise, enchaîné, Tête-de-cul accusait le coup. La mandale de Miranda lui avait éclaté quelques hémorroïdes.

« Penchez-vous et crachez le sang par terre, Monsieur le Président. Vous allez tacher votre beau pantalon. »


Cette révolution commençait dans la joie.

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